A cheval sur un rayon lumineux

Voir à de très hautes vitesses

Qu'est-ce que l'on verrait si on voyageait à la vitesse de la lumière ? Nous ne le saurons jamais, mais on peut s'amuser à en donner une petite idée.

Tout d’abord, il faut bien prendre conscience que le mot « voir » perd son sens commun. La vision s’appuie sur l’interprétation des rayons lumineux issus des objets qui nous entourent. Les photons mettent un certain temps pour aller de l’objet à notre œil et cette durée fait que lorsque la lumière touche notre rétine, l’objet a eut le temps de légèrement changer. La vitesse de la lumière est en fait tellement élevée qu’on peut négliger le temps de trajet. Ce décalage est si infinétisimal qu’il n’a aucune importance, d’autant plus que dans la pratique notre cerveau met lui-aussi un certain temps pour transformer l’information lumineuse en représentation concrète.

Si ce délai est négligeable dans notre vie de tous les jours, ce n’est plus vrai pour un vaisseau qui se déplace à une vitesse relativiste. Par exemple, si on s’éloigne à très haute vitesse d’un phare clignotant, on perçoit une fréquence de clignotement plus petite que la fréquence d’émission. Au contraire, si on se rapproche du phare, on perçoit une fréquence plus haute.

Un phare clignote régulièrement. Un observateur fixe par rapport au phare verra le clignotement à la même fréquence que celle d'émission.
En revanche, si une fusée s'éloigne à très haute vitesse du phare, entre deux émissions de lumière, elle aura parcouru une certaine distance. L'impulsion lumineuse arrivera donc après qu'elle ait rencontré l'observateur fixe : la fréquence perçue par le vaisseau est moins élevée.

Ce phénomène, appelé effet Doppler, est d’ailleurs connu des astronomes : c’est parce que les fréquences de toutes les étoiles sont plus faibles que la normale que le physicien Edwin Hubble comprit que les étoiles s’éloignaient toutes de nous, comme issues d’un même point qui aurait connu une grosse explosion.

Vues de la terre, les étoiles apparaissent plus rouges du fait de l'effet Doppler. C'est donc qu'elles s'éloignent toutes du même point.
C'est ce raisonnement, ici simplifié, qui a conduit à la théorie du big bang.

Les observateurs

On ne peut plus utiliser la lumière pour « voir » un objet en mouvement à haute vitesse. Pour nous passer de ce moyen de transmission, il faudrait qu’on soit au bon endroit au bon moment, tellement près de l’objet observé qu’on peut considérer qu’on le voit. On ne voit pas forcément l’objet dans sa totalité car il est peut-être trop grand pour ça : on voit juste la toute petite partie qui se trouve exactement au même endroit que nous.

Naturellement, on ne peut pas être partout où il le faudrait au même moment. En revanche, on peut imaginer qu’à l’endroit qui nous intéresse, il y a un observateur immobile par rapport à nous, c’est-à-dire qui est dans le même référentiel inertiel que nous.

Une fois notre expérience terminée, on peut convoquer tous les observateurs de notre monde, faire une grande convention et reconstituer complètement notre expérience. Chacun raconte son histoire pour construire a posteriori l’histoire dans son ensemble.

C’est cette histoire complète qui constitue ce que nous « voyons ».

Ce qui est vu

Que voit un observateur ?

L’observateur ne voit que ce qui est exactement à son niveau. On considère qu’il peut prendre connaissance des coordonnées du point de l’objet qui passe devant lui ainsi que le temps indiqué par une horloge qui se trouve opportunément à cet endroit.

En même temps qu’il fait cette observation, il note l’heure que sa propre montre indique.

Chaque observateur note les coordonnées spatiales et temporelles de chaque référentiel. Les deux observateurs ont exactement les mêmes informations.

On remarque que si dans l’objet considéré, il y a un observateur, ce dernier « voit » symétriquement notre observateur à nous. Il peut ainsi prendre connaissance des coordonnées spatiales de notre homme ainsi que de l’heure que se montre indique. Si un jour nos deux messieurs se rencontraient, ils auraient exactement la même chose à raconter : il seraient tous les deux d’accord sur les coordonnées spatiales et temporelles de l’un et de l’autre.

La traversée de l’univers

Imaginons-nous dans un vaisseau qui voyage pratiquement à la vitesse de la lumière. Nous éviterons cette division par zéro qui apparaît lorsque notre vitesse est exactement celle de la lumière.

Un photon met plusieurs milliards d'années pour traverser notre univers. Dans le référentiel du photon, cette durée est nulle. Pour éviter les divisions par zéro, imaginons un quasi-photon qui vieillit de quelques instants durant la traversée.

Les distances se contractent tellement que tout l’espace se compacte sur une longueur minuscule. Imaginons par exemple notre galaxie et quelques milliards de galaxies alentours. Disons que toutes ces galaxies s’étalent sur une distance de dix milliards d’années-lumière, c’est-à-dire que dans le référentiel de l’univers, la lumière met dix milliards d’années pour aller d’un bout à l’autre. Disons aussi que notre vitesse est si proche de celle de la lumière que les dix milliards d’années-lumière tiennent sur un seul centimètre dans notre vaisseau, du fait de la contraction des longueurs relativiste.

Du fait de l’inclinaison du temps (nom que je donne à la perte de simultanéité), l’arrière du centimètre est plus jeune de dix milliards d’années que l’avant.

Pour nous qui sommes assis dans le vaisseau, ce malheureux centimètre se déplace quasiment à la vitesse de la lumière.

Vu de notre quasi-photon, l'univers est une immense pizza très plate qui le traverse en quelques secondes.

Voilà à peu près ce que l’on vit à cheval sur un rayon lumineux : tout l’univers compacté comme un canette de soda passant devant nos yeux à la vitesse de l’éclair.

Qu’est-ce qu’il y a après et avant l’univers, les équations de la relativité restreinte n’en parlent pas.

Lançons un photon

De notre vaisseau, amusons-nous à envoyer un rayon lumineux. Imaginons en fait un « presque » photon, c’est-à-dire un vaisseau rapide comme le nôtre, pas tout à fait à la vitesse de la lumière. Vu de la terre, ce second vaisseau va voyager à peine plus vite que nous. Un terrien verra deux « presque » photons qui se suivent.

Un voyageur à l’intérieur du second vaisseau verra comme nous l’univers entier compacté sur un centimètre, lancé quasiment à la vitesse de la lumière. L’écart entre les âges des deux bouts du centimètre est identique à celui vu de notre vaisseau, mais les âges sont légérement décalés : le vaisseau ne passe pas tout à fait en même temps au dessus des points de l’univers. Par exemple, si de la terre, les deux vaisseaux passent à une seconde d’intervalle l’un de l’autre, les âges sont décalés d’une seconde entre ce que constate un vaisseau et l’autre.

Notons bien que l’univers est contracté sur une seule dimension, celle du déplacement du vaisseau. Il conserve intacte ses deux autres dimensions d’espace et se transforme donc en une espèce d’immense galette.

Prise en compte du big bang

Cette première approche ne décrit pas complètement la façon dont on verrait l’univers à cheval sur notre rayon lumineux. En effet, nous avons considéré notre univers comme une grosse brioche statique que la vitesse applatissait comme une pizza. Nous n’avons pas cherché à représenter l’effet de la différence d’âge entre les deux extrémités. Essayons.

Modélisation du big bang

L’univers est issu du big bang qui, il y a plusieurs milliards d’années a projeté la matière à très grande vitesse dans toutes les directions. Aujourd’hui, l’univers continue de s’étendre un peu comme un immense ballon qui se gonfle.

Ce qui se passe au moment du big bang est assez compliqué. Nous allons simplifier tout ça en modélisant le big bang par la projection d’une sphère de photons voyageant à la vitesse de la lumière et d’une autre sphère de matière allant, disons, moitié moins vite que la lumière.

Notre univers peut alors être représenté par deux sphères concentriques qui augmentent de volume, la sphère externe ayant un rayon double de la sphère interne.

Imaginons maintenant un vaisseau situé à 4 milliards d’années lumière (que l’on notera désormais Gal) du centre du big bang au moment où celui-ci explose. Le vaisseau se dirige directement vers l’origine de l’explosition à quasiment la vitesse de la lumière.

Au bout de 2 Gal, le vaisseau traverse la sphère de photons et rentre dans l’univers de lumière. Au bout de 2,7 Gal c’est la sphère de matière qu’il rencontre.

Le quasi photon est distant de 4 Gal (milliards d'années-lumière) du centre de l'explosion au moment du déclenchement du big bang. Il croise la sphère de lumière qui vient vers lui à la même vitesse au milieu (2 Gal) et la sphère de matière au 2/3 (2,7 Gal). Le quasi photon ressort de la sphère de matière mais jamais de la sphère de lumière.

Finalement au bout de 8 Gal a au total, le vaisseau sort de la sphère de matière.

Par contre, le vaisseau ne sortira pas de la sphère de lumière car jamais il ne rattrappera les 4 Gal d’avance de la lumière émise dans le même sens que lui.

On va imaginer que la vitesse du vaisseau est tellement rapide qu’un milliard d’années, noté Ga, écoulé dans l’univers correspond à une seconde dans le référentiel du vaisseau.

Sachant qu’il y a environ 10^16 secondes dans un Ga, cela correspond à γ =1016, soit β =1-10-32 c’est-à-dire que notre vaisseau se déplace à la vitesse de la lumière avec une précision de 32 chiffres après la virgule.

Le big bang vu du vaisseau

Plaçons-nous maintenant dans le vaisseau. Avec la vitesse choisie, le vaisseau ne vieillit que de quelques secondes pendant la traversée de l’univers, une seconde par Gal avec nos hypothèses. Vu du  vaisseau, l’univers va arriver à une vitesse très proche de celle de la lumière et le traverser en quelques secondes.

A chaque instant, on peut noter comment le vaisseau voit l'univers autour de lui, c'est-à-dire dans le plan perpendiculaire à sa trajectoire. Dans ce plan, l'ensemble des points de l'univers ont tous le même âge vus du vaisseau. En relevant les intersections entre le plan et les sphères, on obtient une succession de points qui ensemble constituent une courbe qui est la forme de l'univers vu du vaisseau.

Un calcul trigonométrique élémentaire montre que ces courbes sont des coniques (voir le coin du matheux dans le dossier pdf).

Tous les points de l'univers situés dans le plan perpendiculaire au déplacement ont le même âge vus du vaisseau.
En relevant les intersections de ce plan avec les sphères de l'univers, on peut tracer la forme vue du vaisseau.

Plus rigoureusement, en ne prenant que deux dimensions d'espace (on considère des cercles et non des sphères), en assimilant la vitesse du vaisseau à la vitesse de la lumière le cercle de lumière en explosion est perçu comme une parabole dont l'ouverture est dans la direction de déplacement du vaisseau. Cette figure confirme bien que jamais le vaisseau ne sortira de la sphère de lumière.

La conique de la sphère de matière est elle une ellipse que le vaisseau arrivera à traverser de part en part.

Il faut maintenant tenir compte de la contraction des longueurs. Chaque Gal de l'univers est contracté en une seconde-lumière valant 300 000 km. Les autres dimensions de l'ellipse, perpendiculaires au déplacement, restent inchangées. Elles sont de l'ordre de plusieurs Gal. Quelques millions de km dans une direction, quelques milliards d’années-lumière dans l’autre, l’ellipse de matière est vraiment aplatie ! C’est ce que nous avions vu en première approche. Nous allons voir ce qu’il en est pour l’hyperbole de lumière.

Les formes coniques trouvées doivent tenir compte de la contraction des longueurs : les milliards d'années-lumière se contractent en millions de km dans le sens du déplacement.

Transformation de la sphère de lumière

L'inclinaison du temps fait que le vaisseau voit croître très vite les âges successifs qui défilent : toutes les secondes, c’est-à-dire tous les 300 000 km, le point de l'univers croisant le vaisseau est plus vieux d'un milliard d'années que le précédent.

Le vieillissement de l'univers de matière durant la traversée du vaisseau est complètement négligeable. Avec notre choix de γ=1O16, il n'est que de quelques infimes fractions de secondes, autant dire que l’âge de l’univers de matière est fixe.

En revanche, le vieillissement de la sphère de lumière ne peut pas être négligé car elle est constituée de photons qui se déplacent à la vitesse de la lumière y compris vus du vaisseau.

En arrivant sur le vaisseau, l'univers et déjà âgé de quelques milliards d'années : le front est âgé de 2,7 Gal, le centre de 4 et l’arrière de 8 comme nous l’avons vu. Cela signifie qu'il s'est écoulé 4 milliards d’années dans l'univers depuis le big bang. Avec notre immense gamma choisi, il a fallu qu’il s’écoule 1O16 milliards d’années dans le référentiel du vaisseau depuis le big bang : de l’ordre d’un million de milliards de fois l’âge de notre univers ! Des ordres de grandeur définitivement incommensurables.

L’histoire complète du big bang

On peut maintenant décrire complétement le big bang vu du vaisseau. Tout débute il y a 1O16 milliards d’années, à la distance inimaginable de 1O16 Gal du pilote du vaisseau.

A cet endroit fort lointain, le big bang se produit. La sphère de lumière éclate exactement comme vue de l’univers : le rayon de la sphère grandit à la vitesse de la lumière.

Bien des milliards de milliards d’années plus tard, le front de la sphère de lumière arrive sur notre vaisseau.

Vu du vaisseau, le big bang se produit très très loin. L'univers de lumière est aussi une sphère car la lumière va à la même vitesse dans tous les référentiels.
Toute la matière a quasiment la vitesse de la lumière, avec un léger écart entre les deux extrémités. La matière est comme éjectée vers le vaisseau.
Son épaisseur enfle très légèrement durant le trajet.

Comparé à cette gigantissime sphère, l’univers de matière n’est lui qu’une toute petite crotte de rien du tout qui a été projetée vers le vaisseau quasiment à la vitesse de la lumière. Elle est juste derrière le front de lumière. Durant la durée de son voyage, la petite crotte s’épaissit tout doucement dans le sens du déplacement, à peine quelques millions de km, autant dire rien. Dans les autres dimensions, elle grandit jusqu’à atteindre quelques Gal.

La matière éjectée dans le sens opposé va moins vite que le centre de l’explosion ne se déplace vers le vaisseau. Au final, cette matière se dirige aussi vers le vaisseau. La légère différence de vitesse avec la vitesse éjectée vers le vaisseau explique le petit épaississement de l’univers de matière durant le déplacement.

On remarque enfin que dans le big bang vu du vaisseau, les centres d’explosion de la matière et de la lumière se séparent, le centre de matière étant projeté vers le vaisseau.

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Commentaires

  1. un certain poète (italien je crois) a dit: l'humanité vivait dans l'obscurité; Dieu fit venir Newton et la lumière apparue; satan attendait son heure; il fit venir einstein (le sale juif) et la lumière disparaît. (la réflexion entre parenthèse est de moi). ceci dit les scientifiques pataugent dans la merde parce que le monde est tout à fait différent du modèle qu'ils ont inventé.

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