Les deux facettes du paradoxe des jumeaux

Le paradoxe des jumeaux est une question centenaire de la relativité restreinte qui fait vieillir un homme sédentaire plus vite que son jumeau spationaute. Comme tout bon paradoxe, cet illogisme apparent oblige à se creuser les méninges pour comprendre où se cache l’erreur dans la formulation de l’énoncé. Ce pourrait même être plus grave, ne serait-ce pas un problème de cohérence de la théorie ?

Le paradoxe des jumeaux est à ce titre doublement intéressant. Tout d’abord, comprendre pourquoi il y a une différence d’âge entre les deux frères permet de bien appréhender ces histoires de contraction des longueurs et de dilation du temps. Mais là n’est pas la véritable saveur du problème : il faut ensuite comprendre d’où vient l’asymétrie du résultat dans une expérience a priori parfaitement symétrique.

Les quelques lectures que j’ai faites avant d’écrire ces lignes montrent que jusqu’à présent les explications se focalisent principalement sur la différence d’âge. Les experts en relativité restreinte considèrent alors qu’il est résolu et qu’il ne s’agit plus d’un paradoxe. Mais les moins experts restent gênés par l’asymétrie sans qu’aucune explication claire ne leur soit vraiment donnée.

L’énoncé du paradoxe

Un spationaute part dans l’espace dans une fusée voyageant à une vitesse proche de la lumière. Son voyage est un aller-retour qui dure 10 ans au total. De retour sur terre, il retrouve son frère jumeau resté sur terre et qui est donc plus vieux de 10 ans. La dilatation des temps que prévoit la relativité montre que le voyageur n’a vieillit que de 8 ans.

Ce résultat directement tiré des équations de la relativité, bien que surprenant, n’est pas paradoxal.

Le problème vient de l’apparente asymétrie : vu de la fusée, c'est la terre qui s'est éloignée du vaisseau spatial, a fait demi-tour puis est revenue se coller sous le vaisseau. Selon ce point de vue symétrique, c'est le jumeau sédentaire qui devrait être plus jeune que le voyageur.

Ils ne peuvent pas être plus jeunes tous les deux en même temps. Comment expliquer ce paradoxe ?

La résolution

Donnons de manière synthétique les deux explications nécessaires pour résoudre ce fameux paradoxe. On trouvera par la suite des explications plus détaillées, le tout sans aucun calcul.

Pourquoi il y a une différence d’âge

On pense souvent que la différence d’âge est due à la dilation du temps. C’est vrai pour le sédentaire mais insuffisant pour le voyageur. Pour ce dernier, elle est liée à la perte de simultanéité des événements.

En effet, vus d’un référentiel inertiel, les points d’un autre référentiel inertiel en mouvement relatif n’ont pas le même âge : ceux qui sont devant (qui s’approchent) sont plus âgés que ceux qui sont derrière (qui s’éloignent).

Ainsi, juste avant le demi-tour, le jumeau sédentaire est derrière le jumeau voyageur. Il est donc moins âgé que l’observateur terrestre situé au point du demi-tour. Juste après le demi-tour, le sédentaire est devant le voyageur. Il est donc cette fois-ci plus âgé que l’observateur terrestre situé au point du demi-tour. L’âge de ce dernier n’a pas varié car on considère que la durée du demi-tour est négligeable dans l’histoire.

Au moment du demi-tour, le sédentaire subit donc un vieillissement soudain vu du référentiel non inertiel du voyageur.

L'amplitude de ce vieillissement soudain est plus grande que l'effet lié à la dilation du temps. A l'arrivée, l’âge du sédentaire calculé par le voyageur vaut : « âge moins élevé du fait de la dilation du temps » plus « vieillissement du demi-tour ». Le tout donne un âge supérieur au mien.

Le changement de référentiel inertiel étant une accélération, la différence d’âge s’explique par l’accélération du demi-tour que seul un des jumeaux subit.

Tout se passe lors du demi-tour
En relativité, l'âge observé dépend du référentiel dans lequel on se place.
Le demi-tour est un changement de référentiel. Dans le référentiel retour, le jumeau sédentaire est plus âgé que dans le référentiel aller.
Il vieillit d'un coup

Pourquoi la situation n’est pas symétrique

Apparemment la situation est symétrique puisque le voyageur pourrait considérer que c’est son frère qui fait demi-tour et donc qui effectue ce changement de référentiel. Cette impression est fausse. Elle est liée à notre intuition classique selon laquelle tous les référentiels sont équivalents et donc selon laquelle on peut choisir son point de vue de manière arbitraire.

Or, en relativité restreinte, il y a des référentiels particuliers dits inertiels au sein desquels le temps est homogène. Ces référentiels particuliers font partie des postulats sur lesquels se fonde la relativité restreinte. On ne peut pas choisir que son référentiel est inertiel, on peut seulement se placer dans un référentiel inertiel. Ces référentiels inertiels fournissent ainsi un étalon pour déterminer si une vitesse est constante.

Donc, en relativité restreinte, l’accélération est une notion… absolue.

Pour que deux frères qui se séparent puissent ce rejoindre, il faut nécessairement qu’il y en ait un qui fasse demi-tour et donc qui subisse une accélération « dans l’absolu ».

Comparaison avec la cinématique newtonienne

En cinématique newtonienne, il faut se donner un espace et un temps absolu partout identique, quelles que soient sa vitesse et sa position. Les notions de position, vitesse ou accélération n’ont de sens que relativement à un référentiel et dans cet espace aucun référentiel n’est privilégié. En cinématique newtonienne, il est par exemple impossible de dire lequel des deux jumeaux a fait demi-tour « pour de vrai ». D’ailleurs à l’arrivée, ils ont le même âge et ont vécu une expérience parfaitement symétrique.

On voit que la relativité n’est pas une notion inventée par Einstein.

En cinématique relativiste, il faut, au départ, un repère particulier (appelé inertiel ou galiléen) avec un temps qui s’écoule partout régulièrement pour tous les points immobiles de son espace. Sans la donnée d’au moins un repère inertiel, il est impossible de décrire quoi que ce soit en relativité. Tous les référentiels inertiels se déplacent à vitesse constante les uns par rapport aux autres. On peut donc se représenter l’espace comme maillé par des référentiels se déplaçant à vitesse constante. Dans cette structure, l’accélération d’un point est un phénomène absolu.

Le temps absolu de la cinématique classique fait place, en relativité restreinte, à la notion absolue de vitesse constante.

L’aller simple, une symétrie parfaite

L’explication de la différence d’âge des jumeaux à l’arrivée s’explique très bien en étudiant l’aller simple. De plus l’étude de l’aller permet de résoudre cette impression confuse que la situation n’est pas symétrique entre les points de vue. Tout est question de ne pas se tromper lorsque l’on parle de symétrie.

Comment vieillir moins vite et être plus âgé ?

Comme les trains sans fin circulant le long de quais immenses sont plus pratiques que des fusées dans l’espace, nous allons nous placer dans le monde ferroviaire.

L’histoire commence au moment où le voyageur passe au niveau du premier observateur. Donnons leur un nom pour alléger la rédaction. Le train sera rempli de passagères et la voyageuse s’appelle Ziza. L’observateur sur le quai, qui joue le rôle du jumeau sédentaire, s’appelle Aziz.

Départ vu du quai
Aziz et Ziza sont à 0 tous les deux. Sur le quai, tout le monde est au temps 0

Sur le quai, quelle est la situation au bout de 5 ans ?

Ziza arrive au niveau d’un second observateur à quai. Nous appellerons ce brave homme Alex. Sur le quai, Aziz et Alex ont tous les deux 5 ans. Toujours vu du quai, le temps s’écoulant moins vite dans le train, Ziza est plus jeune. Disons qu’elle n’a que 4 ans.

Au bout de 5 ans vu du quai
Tout le quai a 5 ans. Ziza qui arrive au niveau d’Alex n’a que 4 ans

Se pose alors la question de symétrie qui nous taraude :

Mais vu du train, c’est le temps du quai qui s’écoule moins vite. Pour Ziza, Alex ne devrait-il pas être plus jeune qu’elle ? Il y a vraiment quelque chose que je ne comprends pas.

Il est parfaitement exact que vu du train le temps du quai s’écoule moins vite et dans les mêmes proportions puisque les vitesses relatives sont égales.

Mais il ne faut pas confondre « vieillir moins vite » et « être plus jeune ».

Il faut comprendre que la valeur de l’âge est une valeur arbitraire qui dépend du choix de l’instant de départ. Avec un choix différent, les âges seraient différents et les écarts entre les âges également. Il faut se concentrer sur le vieillissement.

Avec les valeurs de 4 et 5 ans que nous avons choisies, le train vieillit 80% moins vite que le quai. Symétriquement, vu du train, le quai vieillit également 80% moins vite. Cela signifie que pour Ziza, au cours des 4 ans de son voyage vers l’extrémité du quai, il ne s’est écoulé sur le quai que 80% de 4 ans, soit 3,2 ans.

Si Alex a déjà 5 ans lorsque Ziza le croise, c’est parce que dès le départ il était plus âgé vu du train.

Départ vu du train
Tout le train est à 0 comme Ziza. Aziz est également à 0.
Mais Alex est déjà à 1,8 an

C'est la conséquence directe de la perte de simultanéité. Au départ, l'horloge d'Aziz indique 0. Mais pour les passagères du train, tous les observateurs vers l'avant ont une horloge de plus en plus avancée. Vers l'arrière, c'est le contraire, les horloges des observateurs à quai ne sont pas encore arrivées à 0 pour les passagères qui les regardent.

Vu du train
Les observateurs à quai qui vont être croisés dans le futur sont plus âgés plus ils sont éloignés. Ceux qui ont déjà été croisés sont de moins en moins âgés avec l'éloignement.

Vu du quai
La situation est parfaitement symétrique : les passagères qui se rapprochent sont plus âgées que celles qui s'éloignent.

Dans notre exemple, au départ, la passagère qui est au niveau d’Alex, constate qu’il est déjà âgé de 1,8 an. Vu du train, pendant les 4 ans du voyage, Alex ne vieillira que de 3,2 ans. La somme des deux nous donnent l’âge que constate Ziza : 5 ans.

Une chronologie déroutante

Les situations entre Aziz et Ziza étant symétriques, Aziz va vivre exactement la même chose que sa jumelle. Au bout de 4 ans, donc avant que Ziza ne croise Alex, il va croiser la passagère symétrique d’Alex, une certaine Alexia.

Par symétrie, Alexia est âgée de 5 ans.

Au bout de 4 ans sur le quai
Avant que Ziza ne croise Alex, Aziz vit l'événement symétrique :
il croise une passagère âgée de 5 ans.
Ziza n'a pas encore 4 ans, seulement 80% : 3,2 ans.

Nous ne sommes plus surpris, parce que nous savons qu’au départ, pour Aziz, Alexia était âgée de 1,8 an.

Vu du quai nous avons alors une suite de trois événements vraiment étrange :

  • Départ : Ziza passe devant Aziz. C’est le temps 0 pour tous les deux.
  • Aziz a 4 ans : Alexia, passagère du train, passe devant lui. Elle est déjà âgée de 5 ans.
  • Aziz a 5 ans : Ziza croise Alex qui a 5 ans tout comme Aziz. Ziza n’a que 4 ans.

Lorsqu’à 4 ans, Ziza croise Alex, ce dernier a 5 ans. Sur le quai cela fait déjà un an, que Aziz a croisé Alexia, passagère du train, qui avait l’âge qu’elle aura dans un an vu du train !!!

Chronologie sur le quai
Le temps dans le train s'écoule 80% moins vite que sur le quai. Mais vu du quai, les passagères à l'arrière du train sont plus âgées.

Cette chronologie, bien que très troublante, est parfaitement cohérente. Elle montre que les événements ne se passent pas dans le même ordre sur le quai et dans le train. Il faut donc désormais faire très attention avec les concepts de « avant », « après », « en même temps ». Ils n’ont de sens qu’au sein d’un même référentiel inertiel, mais plus entre deux.

Ce que voit Aziz

Il est intéressant de noter que pour Aziz, bien que les passagères vieillissent moins vite, elles défilent devant lui avec un âge qui croît plus vite que le sien : lorsqu’il a 4 ans de plus, la passagère qu’il croise a 5 ans de plus que Ziza à l’époque.

Bien comprendre ce phénomène permet de mieux percevoir le caractère symétrique et cohérent de la relativité restreinte.

Pour prendre une analogie pas très rigoureuse mais imagée, c’est un peu comme un pellicule de film qui doit être projetée au rythme de 24 images par seconde. Et bien, c’est comme si dans le train, la roue d’entrainement du projecteur tournait moins vite du fait de la dilation du temps. Mais, du fait de la contraction des longueurs, les images se rétrécissent et deviennent plus denses sur la pellicule. Au final, il y a plus de 24 images par seconde qui défilent.

Le paradoxe de l’aller

Si on imagine que le train s’arrête au niveau d’Alex, Ziza a 4 ans alors que tout le monde sur le quai en a déjà 5, y compris Aziz. Il y a déjà comme un paradoxe, sans même chercher à étudier le demi-tour.

Si on doutait que l’on ait le droit de comparer les âges d’Aziz et Ziza, if suffit d’imaginer qu’ils se mettent en marche chacun vers l’autre, à la même vitesse et de manière parfaitement symétrique. Quelle que soit la durée du voyage, lors de leur rencontre, Ziza aura un an de moins qu’Aziz.

Avec l’aide des explications qui précédent, la différence d’âge ne doit pas poser de problème de compréhension. On a également compris que si au bout de 4 ans, Aziz avait sauté dans le train en marche, il se serait trouvé au niveau d’Alexia, 5 ans, et aurait été ainsi moins âgé que Ziza, 5 ans aussi, à l’avant du train.

Le retour n’est finalement qu’un aller dans l’autre sens : Ziza va vieillir encore de 4 ans et Aziz de 5. A l’arrivée Ziza a 8 ans alors qu’Aziz en a 10 ans.

Etude du demi-tour

Arrivée au niveau d’Alex, Ziza décide de faire demi-tour.

Nous serions dans le monde réel, il faudrait freiner le train, l’arrêter, le faire repartir dans l’autre sens jusqu’à ce qu’il atteigne sa vitesse de croisière pour le voyage de retour.

Le demi-tour de Ziza
Pour faire demi-tour, Ziza saute du train aller dans le train retour. Elle garde le même âge mais n'est plus dans le même train.

Nous ne sommes pas dans le monde réel et nous pouvons simplifier cette opération à l’extrême en imaginant que Ziza saute en marche dans le train retour qui roule dans le sens inverse. Nous imaginons que Ziza conserve le même âge dans cette opération.

Si le saut d’un train peut sembler impossible, il suffit d’imaginer le moment juste avant le freinage puis celui où le train, après sa phase de freinage et accélération, revient au même endroit à la même vitesse mais en sens inverse.

La perception du quai change

En changeant de train, Ziza a l’impression que c’est le quai qui fait demi-tour. Avant, Aziz s’éloignait de Ziza, après il se rapproche. Nous avons vu que selon que les observateurs se rapprochent ou s’éloignent, ils ont une différence d’âge positive ou négative. Attention ! la différence d’âge se calcule par rapport à l’âge de l’observateur qui est au niveau de Ziza.

Vu du train aller, Aziz était un observateur qui s’éloignait, il était donc plus jeune qu’Alex. Dans le train retour, Aziz est un observateur qui se rapproche, il est donc plus vieux qu’Alex. L’écart est le même en valeur et nous le connaissons : 1,8 an.

  • Train aller : Aziz a 1,8 an de moins qu’Alex, soit 3,2 ans.
  • Train retour : Aziz a 1,8 an de plus qu’Alex, soit 6,8 ans.

En changeant de train, Ziza voit Aziz vieillir de deux fois 1,8 soit 3,6 ans.

Avant et après le demi-tour
Vu du train aller : Aziz a -1,8 an qu'Alex, soit 3,2 ans.
Il est plus jeune que Ziza
Vu du train retour : Aziz a +1,8 an qu'Alex, soit 6,8 ans.
Il est plus vieux que Ziza.

Le trajet du retour, pour Ziza, dure 4 ans comme l’aller. Durant cette période, comme à l’aller, Aziz vieillit moins vite, il ne vieillit que de 3,2 ans. Ce moindre vieillissement ne suffit pas à annuler le vieillissement subit lors du demi-tour. A l’arrivée, il a 10 ans alors que Ziza n’a que 8 ans.

Comparaison des points de vue

Pour terminer, il est intéressant de montrer Aziz et Ziza ne vont pas raconter la même chose.

On connaît l’histoire d’Aziz, c’est celle de l’énoncé : ma sœur jumelle prend la fusée, s’éloigne durant 5 ans, fait demi-tour et revient. J’ai donc vieilli de 10 ans mais elle seulement de 8 car elle a vieilli en permanence 80% moins vite que moi.

Ziza vit une expérience différente : mon frère est emporté par la terre. Il s’éloigne durant 4 ans, fait demi-tour et la terre revient sous la fusée. J’ai donc vieilli de 8 ans. Lui a vieilli en permanence 80% moins vite que moi, donc 6,4 ans, sauf qu’au moment du demi-tour, il a vieilli d’un seul coup de 3,6 ans. Au total il a 10 ans.

Vu de Ziza, l’accélération spatiale s’accompagne d’une accélération temporelle à l’origine de la différence d’âge.

Leurs deux points de vue ne sont pas symétriques.

D’où vient l’asymétrie ?

Nous venons, je crois, de bien expliquer la différence d’âge. Tout le monde est d’accord pour l’imputer à l’accélération que subit le jumeau voyageur.

La seconde facette du paradoxe est de comprendre la raison de la rupture de symétrie dans le résultat. Si cette expérience est faite en cinématique classique, les deux jumeaux conservent le même âge. Les points de vue sont rigoureusement symétriques et équivalents. La cinématique classique ne permet pas de dire lequel des deux a voyagé « pour de vrai ». La relativité restreinte, elle, en constatant la différence d’âge, permet d’affirmer lequel a subi une accélération et lequel non.

La générale

Une réponse assez courante est de procéder à une expérience de physique. Par exemple, si durant le voyage, chacun prend soin de pendre un pendule au plafond et d’observer son mouvement, le jumeau voyageur verra à un moment le fil se tendre du fait de l’accélération à laquelle son vaisseau est soumis. Il comprendra alors qu’il fait demi-tour. De son côté, le pendule du jumeau sédentaire pendouillera tout le temps sans aucune animation.

C’est ce qui fait dire à certains que, « en toute rigueur », le paradoxe ne peut être résolu qu’avec l’aide de la relativité générale qui permet d’envisager de telles expériences.

Je suis férocement contre cette explication. Le paradoxe des jumeaux est un problème purement cinématique, on se moque de savoir quelle énergie propulse la fusée, si Ziza a mal au bide quand elle fait demi-tour ou si la terre peut brusquement subir une accélération de 100 G.

En relativité, l’accélération est… absolue

C’est absurde, idiot. Tout le monde sait qu’en relativité tout est relatif !

Que nenni.

Dans la cinématique classique, le temps est absolu. Il existe une horloge unique qui rythme les trajectoires et donne la même heure partout dans l’espace.

La cinématique relativiste n’est pas plongée dans ce temps universel. En revanche, elle baigne dans une structure plus subtile que l’on pourrait qualifier de « vitesses constantes ».

Précisons un peu.

La relativité fait appel à la notion de référentiel inertiel ou galiléen. C’est un référentiel d’espace avec un temps propre. Tout ce qui est immobile dans ce référentiel partage le même écoulement du temps. Toutes les horloges y indiquent la même heure.

Tout ce qui se déplace à vitesse constante par rapport à ce référentiel est un autre référentiel galiléen parfaitement valide. Réciproquement, tout référentiel galiléen se déplace à vitesse constante par rapport au premier que nous avons choisi.

Nous pouvons dès lors imaginer l’ensemble de tous ces référentiels inertiels circulant autour de nous et maillant notre espace de leur présence invisible.

Cette structure étant donnée, je peux l’utiliser pour déterminer si un corps reste ou non immobile dans l’un des référentiels. Si ce n’est pas le cas, c’est-à-dire qu’à un instant il est immobile dans un référentiel inertiel et qu’un moment plus tard, il est immobile dans un autre référentiel inertiel, c’est forcément qu’il a accéléré.

C’est ce qui me fait dire que l’accélération est absolue.

Cela ne doit pas étonner. La relativité n’est pas une trouvaille d’Einstein. La mécanique de Newton est également relativiste. Nous savons parfaitement que la vitesse est une notion relative pour Einstein comme pour Newton. Le temps est absolu pour Newton mais pas pour Einstein. C’est l’inverse pour l’accélération : relative chez Newton mais pas en cinématique relativiste.

Est-ce vraiment vrai ?

On pourra rétorquer que l’accélération n’est pas absolue parce qu’il faut se donner au préalable un référentiel inertiel, et que donc l’accélération est relative à ce référentiel.

Mais, l’existence d’un référentiel inertiel est un postulat préalable à toute considération relativiste. Pas de référentiel inertiel, pas d’équations, pas de relativité, pas de jumeaux, ni même d’enfant unique.

Pour parler de relativité il faut se donner au préalable un référentiel inertiel (et donc cette structure) de la même manière que pour parler de cinématique newtonienne il faut se donner un espace et une horloge.

Donc, dans la structure des référentiels inertiels sous-jacente et nécessaire, il y a forcément au moins un des jumeaux qui devra changer de référentiel à un moment s’il veut rejoindre son frère. Il y en aura donc forcément un qui sera plus jeune que l’autre.

Conclusion

Dans notre intuition issue de la cinématique classique, tous les référentiels sont équivalents et on peut en choisir un arbitrairement. Cela nous fait penser que la situation des jumeaux est symétrique.

En relativité restreinte, les référentiels inertiels sont donnés comme postulat et jouent un rôle particulier vis-à-vis du temps. On ne peut pas choisir qu’un référentiel est inertiel. Le déplacement à vitesse constante, et donc l’accélération, sont ainsi des phénomènes cinématiques absolus.

Du point de vue d’un référentiel non inertiel, les objets en dehors du référentiel subissent de brusques accélérations du taux de vieillissement lors des accélérations absolues. En conséquence, si de la terre on constatait de soudaines accélérations de vieillissement, on pourrait déduire que la terre n’est pas un référentiel inertiel.

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Commentaires

  1. Bonjour,

    Très intéressant comme article même si je crois que je m'y perds avec les notions de perte de simultanéité. Et pour preuve, il y a quelque chose qui m'échappe...

    Vous dîtes que si Aziz (4 ans) décide de sauter dans le train quand Alexia (5 ans) passe devant lui, Alexia aura bien 5 ans mais Ziza aussi (la déjà je suis perdu :p mais soit...).

    Mais l'observateur beaucoup plus loin sur le quai (qui a 4 ans comme Aziz) qui voit passer Ziza (qui a 3,2 ans donc), s'il décide de sauter dans le train ("en même temps" que Aziz) pour rejoindre Ziza, quel âge aura réellement Ziza ?! 3,2 ans ou 5 ans ?

    Cordialement.

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